jeudi 27 janvier 2011

Lundi 3 septembre 2068 : La rentrée des classes

Mintaoh attendait la rentrée des classes avec une grande impatience. 
Et la rentrée, c'était demain, demain lundi ; plus précisément à 08h30 du matin, heure à laquelle les portes de l'école s'ouvriront comme s'ouvrira à lui, petit garçon blondinet d'à peine sept ans, un tout nouvel univers !

Son cartable était prêt et plus que prêt, sa maman y avait veillé. Il était là, belle sacoche de polymères composites, posé contre le mur au fond de sa chambre, tout à côté de son kubicule d'études tout neuf, à peine câblé de quelques jours.

Dans son cartable se trouvait l'objet de ses plus ardents désirs, et il avait tellement hâte de le sortir, de le manipuler enfin, d'accéder avec lui au monde et au savoir des adultes !

Bien sûr il avait une idée de ce à quoi cela ressemblait, il en avait vu des photos sur le méta-web ; il avait même vu son papa, une fois, se servir du sien. Mais c'était il y avait bien longtemps, il avait tout juste six ans alors, et cela n'avait pas duré. À peine avait-il pu voir son père exécuter quelques gestures spécifiques, un langage auquel pour le moment il n'avait aucun accès. C'était quelqu'un son papa, il en était fier, il avait un travail à responsabilité chez Google-Central, au coeur de la grande ville, celle dont les immenses pylônes gris s'élevaient au loin.

...Mais demain était un grand jour, LE grand jour, et enfin il allait être initié à l'usage pour lui si fascinant des tablettes méta-web tactiles !
Nerveux, se retournant sans cesse dans son lit, il se demandait s'il allait réussir à s'endormir... il y parvint finalement, aux petites heures du matin.

PS : Cette histoire n'est pas terminée ! Découvrez la suite chaque mercredi durant encore 3 semaines uniquement sur notre blogue partenaire : Tablette-Tactile.net

dimanche 23 janvier 2011

Dimanche 23 janvier 2011 : Vidéo-concept, Connexion aux Mémoires Numériques


Vidéo-concept de moins d'une minute, juste pour goûter à une certaine 'atmosphère' qui à mon avis colle bien avec les textes publiés jusqu'ici.

...Merci à Olivier Romanelli, l'auteur talentueux de toutes les photos présentes sur le blogue.
Son blogue DarqRoom juste ici :))

jeudi 20 janvier 2011

Mardi 2 septembre 2087 : Méga-Download

Il avait du temps à tuer, pourquoi ne pas en profiter pour regarder ce qu'il y avait de neuf sur le Store, et éventuellement télécharger quelques paquets culturels ?…

Il activa son 'Port personnel, fixé à son poignet gauche, et esquissa un sourire : Le signal n'était pas optimal, mais bien suffisant pour ce qu'il avait en tête.
D'un geste rapide à la périphérie de l'interface, il fit glisser le menu jusqu'à l'accès qui l'intéressait, et commença à vérifier les nouveautés…

Ces derniers temps, le Store avait fait un gros travail de compilation, essentiellement centré sur la culture populaire de la seconde moitié du XXème siècle. Elle était maintenant entièrement disponible, et répartie selon les époques et les pays. Les premiers choix qui s'offraient à lui n'étaient pas si nombreux, et ne lui disaient pas grand-chose :

- BLOC Cinéma US - De 1950 à 2000
- BLOC Cinéma Européen - De 1950 à 2000
- BLOC Cinéma Asiatique - De 1950 à 2000
- BLOC Cinéma Russe - De 1950 à 2000

Bof, tiens, voyons ce que contient le 'BLOC Cinéma Européen', se dit-il en touchant la zone sensible correspondante.
L'affichage suivant lui permit d'y voir un peu plus clair :

- SOUS-BLOC Cinéma Français - De 1950 à 2000
- SOUS-BLOC Cinéma Italien - De 1950 à 2000
- SOUS-BLOC Cinéma Espagnol - De 1950 à 2000

…Et ainsi de suite, un 'SOUS-BLOC' pour chacun des anciens pays européens qui, peu ou prou, avaient produit des oeuvres cinématographiques durant cette lointaine période.

Il leva les yeux, plus personne devant lui ; il ne lui restait sans doute que très peu de temps avant que ce ne soit son tour.
Après une brève hésitation, il se décida pour le 'SOUS-BLOC Cinéma Français'. Il effleura donc la commande 'Transfert Kloud' et le Download commença.

Quelques instants plus tard, de l'autre côté de la salle d'attente, le dentiste entrouvrit sa porte et lui fit signe de s'avancer.

Juste avant de s'installer dans le fauteuil, il vérifia l'état de son 'Port. Le download était complété ; il pouvait dès ce soir commencer à visionner - enfin, s'il n'avait rien de mieux à faire - Les 1204 films HD additionnels que contenait son espace de stockage Kloud Nominal.

lundi 17 janvier 2011

Dimanche 8 janvier 2012 : Mon iPad est vivant - 3ème partie

Sur le meuble du fond, dans l'obscurité, le témoin de mon vieux MacBook pulsait doucement, comme un animal qui se serait assoupi.

Cette lueur, qui autrefois me réconfortait, qui m'était comme une présence familière et rassurante - Cette lueur je ne la voyais plus.

Plusieurs semaines s'étaient écoulées depuis que l'iPad avait affiché son dernier message. Il y avait été question d'agent du changement, d'instructions qui ne tarderaient pas; des instructions que j'attendais évidemment avec une certaine angoisse, mais qui n'étaient jamais venues.

À la place s'était doucement mis en place ce que je percevais comme une sorte de conditionnement hostile. Peu à peu sous mes yeux, entre mes mains, l'iPad se muait en entité autonome et malveillante, une entité qui choisissait ses heures, déterminait si elle allait fonctionner ou non - ou fonctionner partiellement, ce qui était pire - si elle allait rester absolument inerte ou suivre les prescriptions des applications que contenait sa mémoire.

Cela me rendait fou. 
Cet appareil si familier qui, il y a peu de temps encore, rythmait mes journées, me les rendant moins longues, cet appareil maintenant me trahissait. 

Parfois, en consultant la météo, j'obtenais celles de Vancouver au Canada ou d'Adélaïde en Australie; des villes situées à des milliers de kilomètres de mon petit logement; parfois les pages web s'affichaient grossies si exagérément que je ne pouvais rien en tirer; parfois l'écran d'accueil était si pâle et si peu contrasté que les icônes y flottaient indistinctes, comme les fantômes d'un no man's land digital. 

Une fois même l'iPad a refusé d'afficher quoi que ce soit, se contentant d'émettre, durant plus de 5 heures consécutives, des bips sourds et réguliers.

Peu à peu, mes repères se dissolvaient dans le néant, et je n'avais personne vers qui me tourner.

(suite dans un prochain billet)

jeudi 13 janvier 2011

Dimanche 6 août 2014 : C'est pas drône !

- Bon, alors, tu as vu quoi ??

Le ton était impérieux, menaçant, et le canon du revolver braqué sur son visage n'aidait pas. Pas du tout.

Jamais il n'aurait imaginé que son nouveau hobby allait le conduire jusque là. 
Ce n'était pourtant qu'un jouet bien innocent, un de ces coûteux gadgets high-tech qu'on achète pour épater ses amis.

C'est à la boutique So-Ho du centre-ville qu'il avait craqué. L'appareil - une sorte d'hélicoptère futuriste équipé de 4 rotors orientables - trônait en bonne place au centre de la vitrine. Il avait tout de suite été séduit par la possibilité de le télécommander depuis son iPhone. Et surtout, surtout, ce qui l'avait fait tripper, c'était la caméra embarquée de l'engin, cette micro-caméra qui permettait de le piloter de l'intérieur, de voir ce que voyait le drône directement sur l'écran du smartphone.
En bref, un fantasme de gamin, le fantasme de Lilliput devenu réalité ! 
Irrésistible.

Mais là, ce n'était plus drôle du tout... Jamais il n'aurait dû s'approcher de cette vieille bâtisse délabrée, jamais il n'aurait dû s'approcher de la fenêtre illuminée du deuxième étage, cette fenêtre qui l'avait attiré comme un fanal de camping attire un insecte nocturne.

Et maintenant il était là, à genoux, à la merci de ce gars qui visiblement ne plaisantait pas, et qui continuait à vociférer, le bras tendu avec son flingue au bout.

- Bon, on n'a pas toute la nuit, tu vas me dire ce que tu as vu, bordel !!!
- Mais rien, je vous jure, c'est vrai, j'ai rien vu, que du noir, c'était tout sombre.
- Tu mens, t'as tout vu avec ton putain de jouet… et d'ailleurs file-le moi, ton téléphone !

Il se saisit de l'appareil, fouilla dans les menus de l'application qui était restée ouverte, et trouva rapidement ce qu'il cherchait. Un rictus de satisfaction tordit son visage dur.

- Tu vois, faut pas me prendre pour un cave, nous aussi on utilise ces machins. Tout a été enregistré, tout est là, et en HD en plus. Je suis désolé mon gars, mais fallait juste pas être là, pas à ce moment, pas avec ce truc.

Juste avant de sombrer dans l'inconscience, celle qui ne connait jamais de fin, et tout juste après la déflagration qui lui fit exploser le crâne, il vit danser devant ses yeux ces quelques mots que lui répétait souvent sa maman quand il était petit, ces mots qu'il n'aurait jamais dû oublier : La-curiosité-est-un-vilain-défaut.

PS : Le bidule en question existe déjà, je n'ai rien inventé, vidéo YouTube ici !

vendredi 7 janvier 2011

Jeudi 8 février 2035 : L'Île aux Enfants

Son garçon se tenait devant lui. Mais il n'avait rien à lui dire. Le blanc total.

Ce moment, pourtant, il l'avait attendu si longtemps, depuis le jour où les forces de l'ordre avaient défoncé la porte du logement qu'il occupait avec sa femme et… leur fils âgé à l'époque de seulement quelques mois.

Plus de dix ans s'étaient écoulés depuis, dix années sombres, dix années de vide, maintenus qu'ils étaient dans la plus totale ignorance, comme si leur enfant n'avait jamais vu le jour.
Mais il était interdit, désormais, d'être parent.
Seulement aujourd'hui, pour deux courtes heures, seulement aujourd'hui c'était possible. Mais il ne savait pas comment, il ne savait plus.

La réglementation avait été adoptée définitivement en juin 2024. C'était de toute façon devenu incontournable. Partout dans la société occidentale les drames se succédaient, partout des parents incapables de s'occuper correctement de leur progéniture, des enfants élevés n'importe comment, privés de soins parfois élémentaires, mal nourris.

Les spécialistes ne s'accordaient pas sur les causes du phénomène. Peut-être était ce dû à la prépondérance des univers numériques dans la vie des adultes, une véritable emprise qui les détournait du réel, les privait du bon sens, les maintenait dans un état, en quelque sorte, d'enfance perpétuelle.

Alors le gouvernement avait fondé l'Île aux Enfants, un centre protégé, immense, où l'on élevait, dans les meilleures conditions - disait-on - la totalité des enfants nés dans les pays de la zone occidentale. Problème réglé.

Et il était donc là, devant son fils, en ce matin du jeudi 8 février 2035, dans une des cabines de l'un des rares espaces-contacts de l'Île aux Enfants. Il avait deux heures pour renouer, pour reprendre autant que faire se peut son rôle de père - Dont il avait été privé si longtemps.

Mais rien ne se passait. Dans sa tête ne lui venaient que des banalités, alors qu'il ressentait tellement le besoin de dire très exactement les mots, les mots justes.

Le silence s'éternisait. Finalement il lui demanda, tout simplement :
...Comment ça va, au centre ?
- Mais ça va très bien, lui répondit son fils d'un ton calme, détaché, j'ai tout ce qu'il me faut, absolument tout. Je ne sais pas pourquoi on se voit aujourd'hui. J'ai toutes les machines dont j'ai besoin.

mardi 4 janvier 2011

Lundi 10 mars 2014 : Le meilleur emplacement

Le Directeur Marketing, assis à son bureau, avait l'air pensif, pas encore tout à fait convaincu.
Devant lui le représentant de l'agence de pub, très animé, tenait d'une main sa tablette où s'affichaient une série de graphiques et des colonnes de chiffres.

- …Bon, vous êtes certain de votre coup, c'est le meilleur spot ?
- Je vous le garantis, on connaît très bien nos produits, c'est le meilleur emplacement possible parce que c'est vraiment là, précisément entre ces trois éléments de décor, le bungalow en construction, le préfabriqué et le hangar à bateaux, qu'il y a le plus d'action. En moyenne, 30 000 éliminations à l'heure, pensez-y, une vraie boucherie, tout le temps !
- Ouais, c'est certain qu'ils ne pourront pas manquer notre logo dans leurs viseurs…
- Et ils le verront très souvent et en plus, ce qui est encore plus important, ils le verront au bon moment de la journée; on sait que c'est plutôt le soir, entre 18h00 et 21h00, que ça se passe. Parfait pour le type de produits que vous avez. Parce qu'après, comme on dit, la nuit porte conseil !
- Oui mais bon, c'est qui ces gens au juste, vous avez des chiffres là-dessus ?
- Bien sûr ! Notre partenariat avec Facebook nous permet de renseigner très précisément ces informations… Regardez le tableau ici, en haut à droite : Ce sont majoritairement des CSP+, à 80% des hommes, à 60% entre 30 et 45 ans, exactement votre cible !
…Et regardez, petite cerise sur le sundae, si je peux me permettre, il y a des emplacements que j'ai personnellement choisis parce qu'ils se trouveront pile dans la ligne de mire des snipers. Les messages pourront être très ciblés selon leur personnalité - en moyenne des gens nettement plus réfléchis, plus stratégiques - et en tenant compte du fait que l'exposition au message sera forcément plus longue puisque ces joueurs, ce qu'ils aiment, c'est se planquer dans un coin, et faire exploser les têtes de loin, au coup-par-coup ! Pas du tout comme les adeptes des fusils d'assaut, qui privilégient la mobilité et la puissance de feu; mais ne vous inquiétez j'ai prévu une stratégie d'affichage pour eux aussi !

Le Directeur Marketing se renfonça dans son fauteuil, et croisa les doigts. Son regard revint sur le représentant.

- OK, de toute façon c'est clair qu'il faut que nous nous y mettions… Nos principaux concurrents ont déjà investi dans les autres grosses arènes de la planète. Alors c'est d'accord, on y va pour cette 1ère période test.
- Excellent, vous prenez la bonne décision. Il faut rejoindre les consommateurs là où ils sont et aujourd'hui c'est sur nos serveurs qu'on les retrouve, des millions tous les soirs dans nos arènes ! Et puis je pense que communiquer sur vos services funéraires dans un jeu de guerre en réseau comme le nôtre est un 'move' particulièrement habile.