dimanche 26 décembre 2010

Jeudi 27 février 2027 : La dernière bibliothèque

- Bon allez, M'sieur Vian, faut y aller maintenant !

Le vieux monsieur un peu voûté qui se tenait dans l'ombre du porche ne se retourna pas. À travers la porte encore ouverte il avait le regard perdu vers le fond de la grande salle, là où se trouvaient tout récemment encore les plus belles collections de la bibliothèque. 
Sa bibliothèque.

Il y avait consacré la quasi-totalité de sa carrière professionnelle, lui le passionné des livres, le passionné des lecteurs, le passionné du Savoir tout court.
Mais aujourd'hui, ce jeudi 25 février 2027, après près de 40 années dans ces lieux magiques, il lui fallait rendre les armes, et laisser la Technologie - abhorrée - en prendre possession…

- ...Monsieur Vian, il faut vous dépêcher, les gars du chantier ne vont pas tarder maintenant… Faut vraiment y aller…
- Voilà voilà j'arrive, mais quand même, j'avais une question…
- ...Quelle question ?
- Il reste encore des ouvrages dans un entrepôt, peut-être 5% sur l'ensemble de ce que possédaient les bibliothèques de la ville, qu'est ce qu'ils vont en faire ?
- Ah, ils vous l'ont pas dit ?
- Non, dit quoi ?…
- Ces livres, finalement, on ne les garde pas. Je sais que c'est ce que le plan prévoyait, mais finalement, il y a deux jours, ils ont décidé que rien ne serait conservé.
- Mais je ne comprends pas, ce sont des éditions rares, parfois très anciennes et-
- -Je sais tout ça. Mais personne n'en veut, et la Ville ne saurait pas où les mettre de toute façon, ces livres. Ya pas de budget pour ça !
- Mais qu'est ce qu'ils vont devenir alors ?
- Une firme s'est porté acquéreuse in-extremis, ils ramassent tout en fin d'après-midi.
- Ah bon quand même, et qu'est ce qu'elle fait dans la vie, cette entreprise ?
- Ils sont dans le recyclage, tous ces vieux papiers inutiles vont revivre sous la forme d'emballages de matériel informatique. Plutôt une belle fin, non ?

Monsieur Vian le regarda sans rien répondre, et s'éloigna finalement de la bibliothèque.
Il quittait sa véritable maison, et vraiment peu lui importait où il irait désormais.

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