jeudi 4 novembre 2010

Samedi 24 décembre 2085 : Le dernier voyage de Mamie

L’euthanasie avait été réglementée dans la plupart des pays occidentaux. 
Tout comme la peine de mort, il existait différents moyens d’en finir. On pouvait le faire de chez soi, à l’hôpital, ou encore choisir l’une des destinations offertes dans certaines agences spécialisées. C’était selon son budget.

On en était arrivé là suite à la pénurie chronique de main d’œuvre en milieu hospitalier, les souffrants ne pouvaient plus être pris en charge faute de personnel compétent. Depuis 25 ans la privatisation généralisée des systèmes de santé n’avait été qu’illusion, alors l’euthanasie s'était finalement imposée. Les plus riches, qui ne pouvaient malgré tout éviter la maladie, décidaient le plus souvent de mourir dans la dignité en s’offrant un « dernier voyage ».

C’est ainsi que j’accompagnai Mamie. Sa destination finale était Cayo Coco. Le complexe hôtelier où nous étions logés était pourvu de tous les services habituels avec un aménagement supplémentaire pour les personnes en fin de vie - qui s’était vite avéré très rentable pour le méga-consortium qui le gérait. 

Le forfait comprenait un aller simple pour Mamie, un aller-retour pour moi, une séance de 3 massages traditionnels (Mamie adorait ça !!), le souper de Noël composé de  5 services, une chambre de luxe, l’injection « dernier voyage » (c’était le nom marketing trouvé par l’agence) et également l’arrangement funéraire soit la crémation, l’urne et la paperasse légale pour le rapatriement et la douane. 
Un forfait à 25 000$ - en rabais durant la période des fêtes.

L’aiguille pénétra dans la veine, à peine visible sous la peau frippée, je lui souris et lui dis : « bon voyage Mamie et n’oublie pas que je t’aime »
Ce furent mes derniers mots à Mamie.

Et depuis je n'ai pas quitté l'île de Cayo Coco. Mamie ne s'était jamais mise aux nouveaux moyens de paiement, et son chèque était sans provision.

(Texte de Julien Messu - merci Julien)

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